Balade équestre

Les piétinements étouffés d'une jument légère troublaient la tranquillité d'une forêt silencieuse. La journée était ensoleillée, seulement quelques nuages passaient momentanément devant le soleil pour faire de l'ombre. Pourtant, le couvert dense de la forêt couvraient cette lumière. Le sol étaient encore légèrement humide d'une récente pluie. Un mince tapis de feuilles tombées récemment couvraient un chemin tracé à la longue par le piétinement des bêtes et des humains. Il menait en plein coeur de la forêt. Le bois était resplendissant de vie et la lumière faisait doucement chatoyer toutes les nuances visibles dans le paysage. Une intruse cavalière pourtant, y évoluait mélancoliquement...

Cette cavalière n'était nulle autre que moi, Rose d'Émeraude. Je suivais des yeux le moindre mouvement visible dans ce fascinant théâtre où se côtoyaient harmonieusement la flore et la faune. Comme toujours, n'ayant pas le plaisir d'entendre le joyeux gazouillement des oiseaux, ni le chant obsédant des ruisseaux, j'admirais le panorama de couleurs et de mouvement devant moi. Je m'émerveillais de la beauté de la vie. Je conduisait paisiblement ma jument, nommée Faith la Dorée en l'honneur de sa robe d'une intense couleur or. Ce nom n'était là que pour la forme, car, étant sourde et muette, je n'avais pas le bonheur de pouvoir de prononcer. Je me contentais de bien m'occuper d'elle. Pour l'heure, elle la promenait car, en raison d'intenses pluies, les chevauchées avaient été impossibles, voire dangereuses en raison du sol boueux. Mais aujourd'hui, elle et moi rattraperions le temps perdu...

Je guidai ma jument au pas dans un chemin et m'arrêtai devant un étang. Je dessellai aussitôt ma monture pour la laisser se promener librement sans avoir à supporter le poids de la selle qui entravaient ses mouvements. Pour ma part, j'allai m'asseoir sur le rebord de l'étang et laissai mes pieds tremper dans l'eau. J'aimais cette clairière. J'aimais la façon que la lumière se reflétait sur la surface calme de l'étendue d'eau stagnante. J'aimais aussi comment le reflet se fractionnait pour aller accrocher le vert intense des feuilles et de l'herbe luxuriante. Grisée de ses images familières qui m'inspiraient une tranquillité que je ne pouvais trouver ailleurs, je sortis de la sacoche de la selle, laissée sur l'herbe, mon journal, une plume ainsi qu'un peu d'encre. Je relus les premiers passages qui dataient de mon arrivée à Émeraude. Je savais à peine écrire. Je souris faiblement en constatant les fautes grammaticales que je commettais à l'occasion.

Ce château est un endroit tout à fait épouvantable. Je ne comprend rien à ce qu'ils me disent.
Mes camarades ne semblent pas comprendre que je suis sourde. Je ne leur ai pas dit. Comment aurais-je fait?
Je ne peux pas parler non plus. Je déteste cet endroit. Je déteste ce pays. Personne ne peut me comprendre.
La seule qui le pouvait a disparu. Elle m'a abandonnée, signé de sa main la fin de ma belle histoire en décidant de m'envoyer ici.
Je ne peux pas accepter qu'elle ait voulu se débarrasser de moi ainsi.
Mes camarades, eux, savent écrire depuis des semaines. Ils sont parfaits. Et moi?
Je ne puis à peine coucher sur le papier des phrases d'une déconcertante simplicité. J'ai dû travailler pour réussir
Beaucoup plus qu'eux n'ont jamais dû.

Comment pourraient-ils me comprendre. Moi je le peux, car leur lèvres me disent tout.
Les miennes ne disent rien. Je ne peut rien leur dire, hormis par écrit. Pourtant, je ne sais même pas si mon écriture et
seulement acceptable. Je ne veux pas leur parler de mes problèmes...

Je souris tristement en me rappelant mon désespoir. Je tourne quelques pages. Mon écriture s'affine au gré du temps. Je lis un autre passage;

Aujourd'hui, j'ai appris à faire de la magie. La dame semble déconcertée que je ne la quitte pas des yeux.
Pourtant, c'est essentiel si je veux comprendre. Mais passons. J'ai réussi à faire lever un objet.
Avant, certains objets se soulevaient, mais je n'avais aucun contrôle. Ça arrivait n'importe quand.
Mais j'ai tout de même réussi. Je crois que je trouve peu à peu ma place. Je commence à aimer ce château..

J'ai un sourire franc dont seul le lac est témoin. Enjouée, j'écris un autre passage dans la tranquilité de la clairière...